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Comme toutes les parties d’orchestre de mon opéra (la Jeunesse de Lully) étaient copiées, j’eus l’idée de donner une soirée à la salle de l’École-Lyrique, afin de le faire entendre. Je le montai donc, mais quelles peines n’ai-je pas eues ! Lorsque l’on a obtenu quelques succès, de basses jalousies naissent et l’on voudrait plus que jamais vous empêcher d’arriver au théâtre, parce qu’une fois que l’on y est parvenu, votre succès là est consolidé. Le public vient chaque soir vous applaudir, votre nom se répand de ville en ville ; on ne peut plus enfin (malgré le vif désir que l’on aurait) vous nuire. Au lieu que lorsque l’on n’en a eu que des parcelles, on y pense bien pendant huit jours mais on vous oublie bien vite. Il n’est peut-être pas d’exemple qu’une femme ait montré tant de persévérance et de courage que j’en ai eu, et ici je n’en tire nullement vanité, car je suis poussée comme malgré moi. J’ai entendu dire à plusieurs artistes (hommes), qu’à ma place ils se seraient sentis découragés. À cela je leur réponds : c’est que vous n’avez pas une véritable vocation et que je la sens fortement en moi. D’ailleurs, quel est l’auteur qui soit parvenu sans avoir éprouvé mille peines et toutes sortes