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concert afin de le donner de moitié avec elle ; déjà bien des billets avaient été pris, lorsque la directrice nous retira tous nos artistes, prétendant que ça lui faisait trop de tort pour son théâtre. On rendit donc l’argent, et je me déterminai à partir de suite pour Morlaix, ville à douze lieues de Brest, afin d’y préparer un concert. Mlle de Roissy, ayant terminé dans trois jours ses représentations, devait m’y rejoindre. — On fit mes malles en toute hâte, quant à moi je n’aurais pas eu la force de m’occuper de ces préparatifs de départ, tant je ressentais de chagrin de quitter mes amis. — Tout le long du dîner, je pleurai ; je partis ainsi sans faire d’adieux à personne. Mon amie et moi nous nous tînmes longtemps embrassées, et à six heures je montai dans la voiture où je devais voyager une partie de la nuit. — L’idée à laquelle je ne pouvais me faire était de me retrouver encore seule à Paris, car les deux mois et demi que j’avais passés à Brest m’avaient rendu la gaîté naturelle que j’ai. J’étais entourée de soins si délicats par ma chère Fanny et ses bons parents. Son pauvre père était souffrant de la goutte et ne quittait pas sa chambre ; si par hasard, le matin à neuf heures, je n’étais point encore descendue lui souhaiter le bonjour,