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marque de ma vive reconnaissance) ; elle a rompu bien des lances pour moi, ainsi que toi, ma chère Fanny. Ou n’est jamais prophète dans son pays (comme dit le proverbe). Les cancans d’une ville de province allaient leur train. On prétendait que mon ouvrage ne devait rien valoir, puisqu’il n’avait point été joué à l’Opéra-Comique (belle conclusion). Ma pauvre amie rentrait souvent désespérée de ce qu’elle avait entendu dire par l’un et par l’autre ; à cela, je partais d’un éclat de rire, et tâchais de la remonter. Presque tous les professeurs me décriaient, ils craignaient que je ne voulusse me fixer à Brest pour professer. La chose était assurément loin de ma pensée.

Quinze jours avant ma première représentation, les places étaient toutes louées ; la curiosité ne pouvait manquer d’être excitée, que ce soit par intérêt ou non, le fait est que la salle était pleine. – J’avoue que ce jour je ne riai pas du tout, et que je partageai un instant les craintes de mon amie. Il n’y a point de loges grillées à Brest, de sorte que je fus forcée d’en prendre une qui se trouvait dans le milieu, en me mettant dans le fond, on ne pouvait me voir. Ma bonne Fanny était sur le devant, avec sa charmante petite fille :