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J’attendis à peu près trois semaines. M. Achille Dartois, au sortir de la lecture, étant forcé de se rendre à la campagne ce jour même, m’écrivit que son poème avait été reçu à l’unanimité, et que le lendemain il viendrait me le remettre.

Comme je trouvai le temps long ! Il arriva à quatre heures, et sortit de sa poche son manuscrit. Oh ! donnez vite, m’écriai-je ! — Halte-là, dit-il, je ne vous le donne point ainsi. — Que voulez-vous dire, Monsieur ? — Je veux dire qu’avant de vous le livrer, il faut que vous m’écriviez une petite lettre dans laquelle vous reconnaîtrez que si, à l’audition de votre musique, mon frère et moi nous ne la trouvions pas bonne, nous pourrions reprendre notre manuscrit et en disposer en faveur d’un autre compositeur[1]. — Oh ! c’est M. Crosnier qui exige cela, m’écriai-je avec désespoir, pour ne point encore m’admettre ; non, Monsieur je ne ferai jamais une chose semblable.

M. Dartois, voyant que j’avais deviné juste, re-

  1. On sait que lorsqu’un directeur fait remettre à un compositeur un poème reçu, celui-ci a, de droit, sa musique admise, sans même audition.