Page:Mémoires artistiques de Mlle Péan de La Roche-Jagu, écrits par elle-même.pdf/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.
– 35 –

qui étaient de nos amies, et auxquelles ma mère expliqua ce qu’elle ressentait, leur disant que s’il y avait du danger, elle les priait de dire à M. C.. de venir la voir ; sinon qu’il ne se dérangeât pas. Deux mois se passèrent sans le voir arriver chez nous ; je trouvais que l’état de ma pauvre mère s’aggravait. Elle me disait toujours que j’avais tort de m’alarmer, puisque le docteur n’était pas venu, c’est qu’il n’y avait nul danger. Enfin, un matin, en me réveillant, elle me dit : « Je ne puis me lever, va chercher le médecin, je ne suis pas bien. » Je courus bien vite chez lui ; mais il ne vint que le soir. Quand il sortit de la chambre de ma mère, je le reconduisis jusqu’à l’escalier pour le questionner et savoir ce que je pouvais espérer. Il me dit, sans me préparer au coup affreux qu’il allait me porter : « Votre mère est perdue, il n’y a plus de ressources, on m’a prévenu trop tard !… » L’émotion que je ressentis fut si terrible, que je perdis aussitôt l’usage de la parole, ma langue paralysée s’attacha à mon palais, et cet état dura jusqu’au lendemain matin, où je ne commençai qu’à recouvrer la faculté de parler. Ma mère vit bien que le docteur m’avait effrayée, malgré les efforts que je fis pour lui cacher les angoisses que