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travail, et désespérée, car la soirée devait avoir lieu dans une quinzaine, et, sans piano, je ne pouvais plus travailler. — J’adressai alors (à titre de fille d’un officier d’administration de la Marine), une pétition à M. le ministre de la Marine, que M. Berton apostilla, afin d’obtenir un secours. Huit jours s’étaient écoulés, et point de réponse. Nous nous trouvions sans rien chez nous. Ma mère sortit pour aller chercher un revendeur pour lui vendre quelques paires de draps ; voyant que nous avions besoin, il n’en donna pour ainsi dire rien. Notre boulanger refusait de nous porter notre pain. Je pleurai toute la nuit de penser où en était réduite ma pauvre bonne mère ; je ne pouvais supporter une position aussi affreuse pour elle. Elle me dit : « Chère enfant, j’ai dans l’idée que tu auras plus de bonheur que moi : vas, toi-même, chercher un marchand, il sera peut-être plus raisonnable que ceux que j’ai fait venir. » Je me hâtai de m’habiller, et de lui en envoyer un. Étant tout près de chez M. Berton, je voulus lui dire un petit bonjour (je reconnus là le doigt de Dieu). Mon professeur me dit en me voyant : « Je viens de recevoir une lettre pour vous du Ministre de la Marine, avec soixante francs. » Oh ! merci mille