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la fin du morceau, prit sa plume, et le barra en entier. Voyant la sotte figure que je fis alors, il partit d’un éclat de rire, me disant : Mon Chou (il m’appelait souvent ainsi), c’est tout à refaire, et la prochaine leçon il faut qu’il soit bien. Je ne pourrai jamais le bien faire, M. Berton, lui répondis-je le cœur gros. Je voudrais bien voir cela, reprit-il en riant toujours.

J’emportai donc mon morceau, et après m’être un peu soulagée par quelques larmes, je me mis à le composer de nouveau. Il me tardait qu’il le revît. Eh bien ! s’écria-t-il, voyons notre fameux morceau. Je le lui donnai en tremblant, car j’étais persuadée qu’il était encore mauvais. Je n’osais à peine lever les yeux sur mon cher professeur ; cependant, je m’aperçus bientôt qu’il en était satisfait. Il arriva à la dernière page sans prononcer un mot. Enfin, il se leva, fut à son bureau, prit son portrait (qu’il savait que je désirais beaucoup) et me le donna en m’embrassant, me disant que je méritais une récompense. M. Berton était le meilleur des hommes, ses élèves l’adoraient ; il me disait souvent qu’il avait pour moi des sentiments paternels, et il me l’a prouvé dans bien des circonstances. Voyant mon peu de fortune et tout ce