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J’avais entendu dire souvent que le premier coup d’archet que l’on entendait à l’Opéra causait toujours une vive sensation, mais, lorsque je suis venue dans la capitale, je l’ai comparé avec celui que j’ai entendu pour mon opéra ; celui-là m’avait occasionné une trop forte émotion pour que jamais une autre pût produire rien de semblable. Pendant que l’on exécutait l’ouverture, j’avais un tremblement nerveux et j’étais suffoquée par les larmes que je retenais !… Aussi, bonne Fanny, lorsqu’après le premier acte chanté tu vins si joyeuse me serrer la main, je me hâtai de te dire : – Chère amie, pas un mot, ne me dis rien, ou je vais me mettre à pleurer !…

Après l’opéra, en s’en allant, chacun nous faisait son compliment de bon ou de mauvais aloi, car déjà bien des personnes avaient la petitesse d’être jalouses du talent en herbe que je pouvais avoir. Quant à mes bons et excellents parents, ils étaient transportés de joie et désiraient voir mon opéra représenté sur le théâtre de Brest ; mais moi je n’en avais point le désir, parce que je sentais parfaitement que bien des choses m’avaient choqué les oreilles dans mon orchestration, choses que je ne pouvais définir.