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que ; faut-il du moins qu’elle soit bonne, et je te le répète, l’opéra de ta fille ne peut être que mauvais, et je n’irai pas chez toi.

Cependant j’avais distribué tous mes autres rôles, excepté ce maudit rôle de basse. Il était encore plus difficile de trouver dans la société une belle voix de basse-taille qu’un poète. – Mon père était retourné chez son ami pour le prier de nouveau ; même refus de sa part. L’avocat, qui le premier s’était chargé d’un rôle, me dit : – Il n’y a qu’un moyen : envoyez-lui sa partie ; lorsqu’il en aura pris connaissance, je ne doute pas qu’il ne vienne. Je m’empressai de la lui faire parvenir, et le soir même, vers huit heures, j’eus le bonheur d’entendre annoncer M. Lesage, qui vint à moi et me prit la main en s’écriant : – Oh ! mon enfant, je n’en reviens pas !… C’est vous qui avez fait cela ? – Oui, lui répondis-je en souriant, c’est moi, et vous m’avez fait même bien pleurer. – Voyons vite toute votre partition ; si elle ressemble à mon rôle, oh ! vous irez loin, je vous le prédis !…

Il chanta tous les morceaux, et m’assura que je pouvais compter sur son concours, et qu’il lui tardait même de répéter ces trios et quatuors qui lui paraissaient pleins de mélodie. Il s’en allait,