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Mon père et ma mère, qui seuls connaissaient mon opéra (car pour toute autre personne c’était un mystère), commencèrent à croire que j’avais une véritable vocation. Je sortais à peine, je ne pouvais quitter mon occupation chérie. Plusieurs de mes amies se fâchèrent contre moi ; ne me voyant presque plus, elle me taxèrent de capricieuse.

Enfin, le jour arriva où je mis la dernière main à l’œuvre ; mon final terminé, l’incognito que j’avais gardé fut levé. Je ne me dissimulais pas les quolibets que l’on allait lancer sur mon compte, une ville de province ne vous les épargne jamais. En effet, c’était un événement !… il fallait pourtant bien faire exécuter cette musique. Nous connaissions un avocat, qui avait une délicieuse voix de baryton. Mes parents l’invitèrent à vouloir bien chanter un rôle dans mon opéra ; il me demanda à le voir, mais avec ce certain sourire sardonique (auquel je m’attendais.)

Je me mis au piano toute tremblante ; à mesure qu’il déchiffrait son air, je me rassurais par les éloges qu’il me donnait ; et enfin, après avoir chanté le rôle entier, il dit qu’il fallait de suite s’occuper de chercher les autres chanteurs ; que