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et ne point jouer ; ce qui les retint et leur donnait l’espoir, c’est que si en effet l’on faisait du bruit, le chef de claque, avec sa formidable armée, était là pour soutenir et faire cesser tout tapage.

J’étais dans ce moment trop préoccupée du sacrifice que je venais de faire, en me séparant de la bague de ma mère, et je ne me trouvais pas là, lorsque circula le bruit du complot projeté, afin d’empêcher mon opéra d’être représenté. — Plus de doute ! au premier coup d’archet de l’ouverture, les cris et les sifflets partent. Je me sens glacée !… le rideau se lève ; encore plus de train ! on ne laisse point finir le chœur. Mes pauvres artistes étaient plus morts que vifs ! et quels sont ceux, même le plus en renom, qui, dans un moment aussi critique, auraient pu conserver leur sang-froid, et leurs moyens ? Quant à moi, je vis toute l’horreur de la chose, et je m’écriai : il y a cabale !… Hélas ! oui, me dit un brave homme qui était sur le théâtre, et qui ne l’ignorait point. Les pompiers qui se trouvaient dans les coulisses, ne pouvaient s’empêcher de me plaindre aussi, et me dirent : Pauvre dame, dites donc au garçon de théâtre d’envoyer chercher des brigadiers, vous voyez bien qu’il y a cabale ?… Je le dis au