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les frais du procès que j’allais intenter pour la conservation de mes droits. « Non, certes, s’écriat-elle, je n’ai point envie de perdre mon argent, et vous êtes le pot de terre contre le pot de fer ; par conséquent, vous perdrez. » Voyant sa résolution très ferme là dessus, je lui dis qu’à mes risques et périls, je le ferais à moi tout seule ; que d’ailleurs, ce n’était que ma musique qui avait été livrée, et non ses paroles.

J’attaquai donc le directeur de l’Hippodrome, comme étant responsable de son chef d’orchestre. L’affaire étant prête à passer, j’allai prier M. Jules Favre de vouloir bien m’indiquer un avocat ; je laisse à juger la joie que je ressentis, lorsque cet orateur célèbre me dit : « C’est moi qui plaiderai. » Quelle bienveillante bonté ! il n’ignorait pas la position précaire dans laquelle je me trouvais ; aussi, lui en dois-je une double reconnaissance, et en l’écrivant, j’en suis tout émue !…

Le jour du procès arriva : je me rendis au palais de justice, et là, après un plaidoyer si rempli d’éloquence, comme le sont toujours ceux du grand avocat, la Cour prononça la condamnation de M. Arnault, pour une somme de 300 francs de dommages et intérêts.