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je n’avais même pas remarqués, lorsque j’y étais passée un moment auparavant. Si je n’avais pas été surexcitée, comme je l’étais, moi, si timide, je n’aurais jamais eu le courage de faire une chose semblable. — Le lendemain soir, mon orchestre est complet. Mon chef d’orchestre en est fort surpris, et de fort mauvaise humeur. Mais il n’y avait plus moyen de reculer. — C’était bien peu qu’une seule répétition. Aussi l’exécution s’en est-elle ressentie. Malgré cela, j’ai encore réussi cette fois, et le public m’a rappelée. — Deux jours après, je reçus une lettre d’une personne qui m’était inconnue, et qui me priait d’agréer les vers que je transcris ici :

Je connais donc enfin l’œuvre de ton génie !
Lully, ce noble enfant, cygne de l’Ausonie,
Qui, sous le bonnet blanc d’un chétif marmiton,
Cachait le feu sacré qu’il reçut d’Apollon.
Pour t’applaudir, et bravant la neige et la glace,
Et par un vent de bise à vous geler sur place,
À ton nouveau succès, heureux de prendre part
Je me rendis en hâte au quartier Rocbechouart.
De tes admirateurs, une épaisse cohorte,
Empressés comme moi, barrait déjà la porte,
Et là chacun voulait, avec la même ardeur,
En plaignant tes ennuis, juger de ton bonheur,