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CLIGÈS 319

présente à elle et se fait reconnaître : elle l'accueille bien ', le fait cacher s(5it dans un coffre, soit dans une chambre, soit sous le seuil de la porte ^; mais, quand elle le tient enfermé, elle le livre à son nouveau mari. Celui-ci, malgré les avertissements qu'elle lui donne, se laisse aller à s'entretenir avec son prison- nier. Il lui demande ce qu'il ferait de lui s'il l'avait eu en son pouvoir : Salomon répond qu'il le ferait pendre à un haut gibet, digne d'un roi, et qu'il lui permettrait, suivant l'usage de son pays, de sonner trois fois son cor avant de mourir. C'est le traitement que Pharaon accorde à son rival; mais Salomon avait aposté non loin de là trois armées^ qui arrivent successi- vement aux trois appels du cor (la première est noire, la seconde blanche, la troisième rouge 3) et le délivrent: Pharaon est pendu au gibet ; la femme coupable est également mise à mort *.

II. Versions allemandes. — Nous possédons sur ce sujet deux poèmes allemands du xiv= siècle : A (court poème en vers plats ajouté à une rédaction des dialogues de Salomon avec Morolf) et B (poème strophique beaucoup plus long). Ils remontent à un poème plus ancien. Salomon y est aidé, dans la recherche qu'il fait de sa femme, par le subtil Morolf 5. Les incidents

��1. Tel est le récit dans les contes serbe et petit-russien ; dans les bylines, la femme déclare tout de suite à Salomon qu'elle va le livrer à la mort.

2. Ce trait reparaît dans les versions romanes de la seconde partie dont il sera parlé plus loin. La femme infidèle se plaît à s'asseoir sur le coffre où elle tient le grand Salomon, et à l'insulter par des railleries obscènes ; parfois même, — et c'est là sans doute un trait ancien, — elle porte le cynisme jus- qu'à se livrer sur le coffre aux plaisirs de l'amour avec son nouvel époux.

3. Ces armées successivement de trois couleurs sont une variante de l'an- cien thème que j'ai eu l'occasion d'indiquer ci-dessus (p. 297). — Dans une variante, — qui paraît appuyée par des versions non slaves, — les guerriers qui secourent Salomon sont des êtres plus ou moins surnaturels.

4. Les récits russes ont passé dans des ballades Scandinaves (suédoises, danoises, norvégiennes), mais assez altérés (cf. ci-dessus, p. 318, n. 2): la femme est ici enlevée malgré elle, et, quand son mari la retrouve, elle le suit de bon gré.

5. Ce nom, qui se trouve dans les deux poèmes allemands, est une altéra-'

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