Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/307

Cette page n’a pas encore été corrigée

C LIGES 303

gulière invraisemblance, le poète a voulu que Cligès ne sût rien du breuvage administré à Fénice, et n'ait, à ce moment critique, aucun entretien avec Thessala'.

Le lendemain % l'empereur demande à Jean de faire pour l'impératrice un sarcophage ' digne d'elle. Jean répond qu'il en a un tout prêt, qui dans sa pensée était destiné à un « corps saint » ; Alis lui dit de le porter dans le cimetière de Saint- Pierre, hors des murs de la ville, où Fénice a exprimé le désir d'être enterrée. Jean l'y dépose en effet dans un caveau ; il y met un lit de plume caché sous des fleurs et du feuillage. L'enterrement a lieu dès le soir, au milieu du deuil général; Cligès, toujours rempli d'anxiété, n'attend pour se tuer que d'être sûr de la mort de Fénice. Jean installe le corps sur le lit qu'il a préparé dans le sarcophage 4, puis ferme et scelle le tombeau. La nuit, dans le cimetière fermé, trente chevaliers

��1. M. Fôrster (note sur le v. 6223) a été frappé aussi de ce qu'il y a d'in- vraisemblable dans cette façon de présenter les choses.

2. Il y a encore là une inadvertance du poète : h\ poison doit garder sa force vingt-quatre heures (un jor et une nuit entière, v. 5265) ; Fénice l'ayant prise un peu avant none, elle devait retrouver le mouvement et la parole dans l'après-midi du lendemain ; cependant nous voyons que ce n'est que dans la nuit qui suit qu'elle revient à elle.

5. Tel doit bien être le sens du mot sepouture, car il ne s'agit évidemment pas d'un tombeau, que Jean n'aurait pu transporter et dresser en un jour. De plus il est dit expressément (v. 6148, 6206, 6208) que la sepouture est placée dans une fosse. Il peut paraître singulier qu'on dispose d'avance le sarcophage dans le caveau, et qu'on y introduise le corps quand il arrive, au lieu de l'y placer déjà dans le palais ; c'est sans doute que le sarcophage était trop pesant. Fénice, au v. 5 340, prévoit cette façon d'agir, en demandant à Cligès de faire faire Et la sepouture et la hiereds façon à ce qu'elle ne soit pas étouffée : la bière est le cercueil plus léger dans lequel on la transportera (cf. ci-dessus, p. 301, n. 5), la sepouture le sarcophage, plus lourd et plus vaste (Jean peut y dispo- ser son lit de plume), qui l'attendra au cimetière.

4. Le lit de plume, tout dissimulé qu'il fût, aurait pu être vu par les « ba- rons » qui se tiennent sur le bord de la fosse et éveiller leurs soupçons ; mais ils n'y purent rien voir, car sont trestnit pasmé chei'i (v. 6153). Voilà une pâmoi- son en choeur comme on en voit dans les chansons de geste, mais qui fait ici un effet assez ridicule.

�� �