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29$ LE ROMAN

et à son grand-oncle Arthur, qui lui font fête. Il va pendant quelque temps courir les tournois en Bretagne, en Normandie et en France ; mais l'amour le ramène bientôt à Constantinople. Fénice et lui, quand ils se revoient, ont peine à ne pas se jeter dans les bras l'un de l'autre ; quant à Alis, il accueille son neveu avec grande joie et le fait, sauf la couronne, maître de tout ce qui lui appartient.

Un jour que Cligès est venu voir l'impératrice dans sa chambre, où ils sont seuls, ils ont enfin l'entretien décisif remis depuis si longtemps. C'est un des bons morceaux du poème'. Fénice demande à Cligès si, en Bretagne, il n'a pas aimé. « Oui, dit-il, j'ai aimé, mais rien du pays. Mon corps, en Bretagne, était sans cœur, comme une écorce sans bois. Mon cœur vous avait suivie ; il était resté en Grèce, où je suis revenu le cher- cher ; mais je ne puis ni ne veux le rappeler à moi. Mais vous, comment vous trouvez-vous ici ? Le pays vous plaît-il ? Je n'ose vous demander autre chose. — Il ne m'a pas plu jusqu'à pré- sent ; mais maintenant j'y trouve une plaisance et une joie que je ne saurais dire. Moi aussi, j'ai vécu sans cœur ; car, bien que je ne sois pas allée en Bretagne, mon cœur y a été longtemps. — Dame, quand donc votre cœur y a-t-il été ? Est-ce quand j'y étais ? — Oui, sans que vous l'ayez su ; il y a été tant que

��grois et même arabes ; mais ce n'en est évidemment pas la forme pre- mière : d'autres contes, — bretons, allemands, avares, — la remplacent par des exploits d'un caractère plus primitif. Dans tous les contes (et dans Ipo- jin'doH et Str Gauiher') le héros qui s'est caché sous un déguisement et qu'on ne soupçonne pas être le même que le vainqueur des trois jours, entend chaque soir le récit des exploits de l'inconnu et feint de n'y rien comprendre ; dans plusieurs (et dans Ipomédon) il est blessé à l'une des journées et explique sa blessure d'une façon ou d'une autre ; dans tous (et dans Sir Goivther) il a reçu ses chevaux et ses armes d'une façon surnaturelle. Je ne fais ici qu'esquis- ser. dans ses grandes lignes l'histoire de ce thème, que j'aurai prochainement l'occasion d'étudier en détail [G. Paris n'a pas eu le temps de faire cette étude] : je veux seulement montrer que' le récit de Chrétien n'en est qu'une des formes les plus altérées.

I . Il n'en est pas moins nécessaire, si l'on veut donner de cet entretien des deux amants une idée qui ne soit pas trop désavantageuse, de l'abréger sen- siblement et d'en supprimer plus d'un vers obscur ou trop subtil.

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