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CLIGÈS 297

Cependant Cligès, arrivé en Angleterre, se rend incognito à un tournoi : il y paraît le premier jour sur un cheval noir avec des armes noires, le second jour sur un cheval fauve avec des armes vertes, le troisième jour sur un cheval rouge avec des armes rouges, le quatrième jour sur un cheval blanc avec des armes blanches : les trois premiers jours, il disparaît sans qu'on puisse le retrouver, et chaque fois on juge l'inconnu supérieur à tous et, les deuxième, troisième et quatrième jours, supérieur à l'inconnu de la veille. Il fait prisonniers le premier jour Sagremor, le second jour Lancelot du Lac, le troisième jour Perceval ; le quatrième jour il livre à son oncle Gauvain un combat où on ne sait lequel aurait vaincu, quand Arthur les sépare. — C'est un lieu commun des romans bretons que le héros triomphe ainsi des plus célèbres chevaliers de la Table Ronde et livre à Gauvain un combat indécis. Quant à l'appa- rition du héros, aux trois journées successives d'un tournoi, sur trois chevaux et sous trois armures de couleurs différentes, c'est la transformation chevaleresque du thème d'un conte très ancien et très répandu : Cligès est peut-être le premier des romans français connus de nous où il se rencontre, mais n'en présente néanmoins qu'une variante très effacée et très altérée ; nous le trouvons dans d'autres romans sous une forme bien plus complète et plus primitive, et Chrétien n'a certainement fait que l'emprunter à une source que nous ne pouvons déter- miner'. — Clisès se fait enfin connaître à son oncle Gauvain

��critique en trente-quatre vers la conduite des serviteurs qui flattent leur maître devant lui et en disent du mal par derrière.

I . Dans le poème anglais de Sir Goivther le héros remporte la victoire, dans un combat, sur des chevaux successivement noir, rouge et blanc (l'ordre des couleurs, qui est primitivement rouge, blanc, noir, a été changé, dans ce conte pieux, par une raison mystique) et avec des armures afférentes : Sir Goivther repose sur un lai breton parallèle à la source de Robert le Diable (dans ce dernier il n'est resté que le cheval et l'armure blanche) ; ce lai était proba- blement plus ancien que Cligès. Nous retrouvons le motif, plus ou moins altéré, dans Ipomédon, dans le Lancelot en prose, dans le poème de Richard Cœur de Lion, dans Sone de Nansai. Cette forme chevaleresque du thème a pénétré dans des contes populaires lorrains, tyroliens, allemands, hon-

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