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que ces règles étaient déjà connues au temps de la composition de Cliges, et cela nous montre d’autre part que Chrétien, en écrivant ce roman, était dans le même état d’esprit et subissait l’influence du même milieu qu’en écrivant, sans doute bien peu après, le Chevalier de la Charrette.

Quand Cligès prend congé de Fénice, il lui dit, sans que d’ailleurs, cette fois encore, il y ait entre eux une parole d’amour, qu’il est « tout à elle ». Ce mot fait la consolation de Fénice quand, arrivée à Constantinople, elle ne se repaît que du souvenir de Cligès. « Ce mot lui est si doux qu’elle le fait passer de sa langue à son cœur; elle l’y enferme pour plus de sûreté. . . . Elle ne l’en ferait sortir à aucun prix, tant elle craint qu’on ne le lui vole’. » Mais ce mot a-t-il bien le sens qu’elle veut lui donner ? c’est ce qu’elle examine en un long monologue (v. 4416-4574), dans lequel « elle oppose et répond^ à elle-même ». Il y a tant de gens qui emploient par simple politesse cette formule devenue banale : « Je suis tout à vous » ! Et elle repasse et discute toutes les circonstances qui peuvent lui faire croire que Cligès l’aime. Ce qu’il y a de sûr, c’est que son cœur, à elle, est avec lui, et que, s’il sait comme ce cœur le sert fidèlement ^, il ne pourra n’en pas être touché.

��Feu neii Iressaitte et pâtisse (Ctio-., v. 3870), et : Oiunis consiievit amans in coainantis aspectii patlescere ; In repenlina coainaiilis visio}ie cor contreinescit aniantis {Reg. Am., XV et XVI, dans André le Chapelain, De arnore, éd. Trojel, p. 310) ; — ta ou crienie s’en âessoivre Ne fait Aniors a revwntoivre ; Oui amer viaut, doter Testuet {Clig., v. 3899), et : Amorosus seniper est tiinorosus (^Reg. XX). En faisant appel à ceux qui observent fidèlement les « coutumes » d’Amour et de sa cour, le poète paraît renvoyer au passage d’André où il est dit qu’une cour de dames et de chevaliers régulas praedictas patefecit Anioris et eas shigulis amant ihns snb régis Ainoris interniinatione firniiter con- servandas injunxit (p. 312).

1 . Le poète retourne cette idée d’une manière recherchée et fatigante.

2. Ce sont des termes techniques de l’argumentation scolastique ; Chrétien est fier de les employer et dit encore de Fénice (v. 4409) : Et fait tel oposicion .

3. Ici se place un des plus inutiles, disons mieux, des plus absurdes développements auxquels se soit laissé aller notre poète ; à propos de son cœur, qui deviendra le sergent de Cligès et s’efforcera de lui plaire, Fénice