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286 LE ROMAN

Nous voici enfin au vrai roman. Les Grecs arrivent à Cologne ; la fête est grande dans le palais, et l'empereur fait venir sa fille. Elle s'appelait Fénice, nom qui lui convenait à merveille :

Car si con fenix li oisiaus

Est sor toz autres li plus biaus,

N'estre n'en puet que uns ensenble,

Aussi Fenice, ce me senble,

N'ot de biauté nule pareille. (V. 2727-51.)

Le poète renonce, longuement, à décrire cette beauté ; en revanche, il nous annonce qu'il va s'appliquer à décrire celle de Cligès :

Por la biauté Cligès retraire

Vueil une description faire. (V. 2761-2.)

En réalité il se borne à nous apprendre que la chevelure de Cligès ressemblait à l'or et sa face à la rose novele, qu'il était grand et avait le nez bien fait et la bouche belle ; le reste est remplacé par ce procédé fastidieux, trop habituel aux poètes du moyen âge, qui consiste à louer un personnage en le déclarant bien supérieur à d'autres connus avant lui : Cligès surpassait en beauté Narcissus

Tant con fins ors le cuivre passe, Et plus que je ne di encore ;

il savait plus d'escremie et d'arc que Tristan ; enfin Nature avait réuni en lui tout ce qu'elle accorde séparément aux autres.

Ces deux merveilles de beauté se voient, s'aiment aussitôt ', et échangent des regards d'amour. Fénice cependant ne sait pas qui est le bel étranger. Survient un neveu du duc de Saissoigne

��I . Signalons ici une digression extrêmement subtile sur l'erreur de ceux (c'est sans doute une allusion à un passage d'un poète antérieur) qui disent que des amants se donnent leur cœur ; les cœurs ne peuvent se réunir matériellement mais ils sont d'accord comme des chanteurs qui chantent à l'unisson (et non en parties, comme on parait l'avoir compris) et semblent n'avoir qu'une voix, et dont cependant chacun garde son existence distincte.

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