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282 LE ROMAN

Cil qui n'i a coupe ne tort •.)

Ensi la reine moût fort

La mer encoupc et si la blasme

Mais a tort li met sus le blasme,

due ht mers n'i a rien forfait. (V. 545-563.)

Il me paraît évident que c'est Chrétien et non Thomas qui est l'imitateur. D'autre part, il n'est guère probable que Thomas ait pris ce concelto dans sa source, quelle qu'elle fût : c'est une invention « d'auteur », toute personnelle, qui n'appartient certainement pas à l'ancien fond du récita II résulterait donc de ce passage que Thomas serait antérieur cà Chrétien, et que Chrétien l'aurait directement imité ' sans qu'il soit le moins du monde exclu qu'il ait connu d'autres poèmes sur Tristan ^,.

��1. Cheville de deux vers, comme il n'en manque pas chez Chrétien pour relier le second vers d'un « couplet » (brisé) au premier d'un autre.

2. M. Golther (Die Sage von Tristan und Isoîde, Munich, 1887, p. 65, n.) croit retrouver une allusion à cet incident dans les mots que le roman en prose foit adresser à Iseut par Tristan déguisé en fou : Car le hoire amoureux que vous et lui heiistes en la mer ne vous est pas si amer comme aujol Tristan. L'épisode du roman en prose où se trouve ce passage ne provenant pas de Thomas, le jeu de mots remonterait à la source commune. Mais on a ici simplement le reflet de deux vers où nier rimait avec amer, ce qui n'a rien que de naturel. — De même, soit dit en passant, il n'est pas nécessaire d'admettre avec M. Heinzel (voir Golther, loc. cit.) que les vers à'Eracle (3928-3929) où amer (amarum') rime avec amer (amare) aient quelque rap- port avec le passage de Thomas : c'est une rime toute naturelle et très fréquente.

3. Cela ressort aussi du fait que Chrétien a modelé la première partie de son roman, l'histoire des parents de Cligès, sur l'histoire des parents de Tristan telle que la donne Thomas ; il n'y a rien de pareil, on l'a vu, dans Béroui-Eilhart .

4. Il fait combattre (Érec, v. 1248) Tristan et le Morhout dans l'île Saint- Samson, tandis que Thomas ne place pas le combat dans une île. — • Il connaît l'histoire du cheveu d'or apporté par l'hirondelle, que Thomas rejette (voir ci-dessus, p. 279). — La mention dans Thilomena\y. 174], de la science de Tristan cajole et déport (Hist. litt. de la France, t. XXIX, p. 493), peut se rapporter à la version de Béroui-Eilhart aussi bien qu'à celle de Thomas.

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