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CLIGÈS 269

��III LE POÈME : PREMIÈRE PARTIE.

Le poème de Cligès débute par un prologue intéressant à plu- sieurs titres. J'ai déjà parlé des sept premiers vers, qui contien- nent l'énumération des ouvrages antérieurs de l'auteur. Vient ensuite l'indication de la source où Chrétien dit avoir puisé son récit, indication sur laquelle je reviendrai; le poète continue par un éloge des livres, qui nous transmettent seuls la connaissance du passé ', et s'en sert comme de transition pour donner, à sa manière, une esquisse de l'histoire de la clergie et de la cheva- lerie, — c'est-à-dire de la science et de l'art de la guerre, qui, après avoir eu leur siège commun en Grèce, puis à Rome, l'ont maintenant en France, où il faut espérer qu'il restera tou- jours :

30 Ce nos ont nostre livre apris

Que Grèce ot de chevalerie

Le premier los et de clergie ;

Puis vint chevalerie a Rome

Et de la clergie la some, 35 Qui or est en France venue :

Deus doint qu'ele i soit retenue,

Et que li leus li abelisse

Tant que jamais de France n'isse !

Ce passage est extrêmement intéressant. On y trouve une conscience, — ou, si l'on veut, une affirmation, — de la double supériorité de la France, héritière de Rome et de la Grèce à la

��I . Par les livres que nos avons Les fai:^ des anciiens savons Et del siècle qui fu jadis. La même pensée est exprimée par Wace dans ses deux prologues à la Geste as Nonnani (éd. Andresen, t. I, p. 11 ; t. II, p. 29). C'est évidem- ment un lieu commun des écoles : on le retrouve par exemple dans le pro- logue de Vltinerarium Ricard i (voir Grober, Gruudriss der ruin. Philologie, t. II, p. 499, n.).

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