Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/264

Cette page n’a pas encore été corrigée

26o LE ROMAN

terre 1.On est frappé, en effet, de l'exactitude et de la précision des renseignements géographiques qui concernent cette contrée. Alexandre débarque à Sozhantone (Southampton) et va de là à Guincestre (Wincester), en effet tout voisin. Quand il repart, il s'embarque à Sorham (Shoreham), port qui devait être peu connu en Champagne. Cligès, quand il vient à son tour en Angleterre, remonte la Tamise jusqu'à Galinguefort (Walling- ford), d'où il se rend à un tournoi qui se donne Es plains devant Ossenefort, Oui près iert de Galingnefort : Oxford est, en effet, dans une plaine non loin de Wallingford 2. Mais le passage le plus notable est celui qui concerne le château de Guinesores (Windsor), dont la situation au-dessus de la Tamise est parfoi- tement décrite (Li chastiaux siet en un pui haut, Et par dessoz li cort Tamise) : ce château, dont Chrétien attribue la construction au comte Angrès, avec sa tour carrée, son triple mur et ses fossés, est évidemment celui que Guillaume le Conquérant avait élevé sur cette hauteur, et qui subsiste en partie dans le château actuel. Ces passages se trouvent dans des parties du poème qui sont entièrement de l'invention de Chrétien, et on ne peut les attribuer qu'à des souvenirs personnels 3.

Quelle est la date probable de Cligès ? Ce qu'en dit M. Fôrster est peu clair et même contradictoire. Il suppose (p. xi) que Chrétien avait obtenu à Troïes (cela n'a rien d'in- vraisemblable) la faveur du comte Henri de Champagne (1152- 1181), et que c'est en sa compagnie qu'il est allé à Beauvais, « dont les évêques dépendaient des comtes de Champagne ».

1. On peut se demander si déjà dans Erec il n'y a pas des traces d'une visite de Chrétien en Angleterre : on y remarque les noms de Gloëceslrc (Gloucester) et Evro'ic (York), sans parler de Corqiie en Irlande ; toutefois ce sont là des noms bien connus, et il n'y a pas, dans le poème, de détails sur ces villes. — Je ne parle pas de toute la toponymie proprement « arthu- rienne », que le poète français avait dû trouver dans sa source.

2. On peut encore citer, mais comme moins probantes, les mentions de Dovre et CantorUre.

3. On en retrouve d'analogues dans Guillaume d'Angleterre ; mais l'auteur de ce poème, qu'il soit ou non notre Chrétien, nous dit lui-même qu'il avait été dans l'île.