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252 LE ROMAN

Et sachiez que lors fu dit primes :

Or est venus qui auiiera !

Nostre maistre en fu li hira

Qui a dire le nos aprist,

Car il premièrement le dist. (V. 5591-5594.)

« Il semble résulter de ce passage, ai-je dit jadis, que Chrétien était héraut d'armes. Ce wo/zi'n'a guère de sens s'il ne s'applique à l'auteur lui-même associé aux autres hérauts, et il paraît diffi- cile de croire que ce cri ait été poussé, au temps de Chrétien, par d'autres que les hérauts. » Dans sa note sur ce passage de Lancelot, M. Fôrster remarque : « Il suffit peut-être d'admettre que 710US ici signifie, en général, « nous qui vivons maintenant, les contemporains ». Au reste, il est bien possible que le public qui assistait aux tournois se soit associé aux cris des hérauts '. » Ces formules dubitatives feraient croire que le savant éditeur ne regardait pas mon appréciation comme inadmissible; mais dans la présente édition de CJigès il est bien décidément négatif : « Si l'on a voulu, dit-il, conclure d'un passage du roman de la Charrette qu'il avait été héraut d'armes, c'est sans le moindre fondement '. » Il n'ajoute cependant aucune objection aux doutes qu'il avait émis dans sa note (à laquelle il renvoie pour tout argument), et je persiste, quant à moi, à trouver que le passage n'a de véritable raison d'être et presque de sens que si c'est un confrère du héraut d'armes mis en scène qui l'a écrit \ Je pense donc que Chrétien était héraut d'armes en même temps que poète, ce qui s'accorde bien avec sa pré- dilection pour les tournois et la complaisance qu'il met à les décrire 4.

Après Erec, Chrétien mentionne un poème qu'il intitule Du

��1. M. Ed. Wechssler {Die Sage vom heiligeii Gral, Halle, 1898, p. 146) s'était exprimé à peu près de même.

2. « So liegt hierzu irgend eine Veranlassung nicht vor » (p. xiv, n. i).

3. Nostre maistre a évidemment quelque chose de professionnel.

4. On peut croire la même chose de Sarrazin et de Jacques Bretel, les auteurs du Roman de Ham et des Tournois de Chauvenci, peut-être aussi de l'auteur de Sone de Nansai. Ces trois romans sont de la fin duxiie siècle.

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