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248 LE ROMAN

Posons d'abord la donnée centrale autour de laquelle tourne toute notre construction. Elle est dans Cligès. Chrétien y énu- mère, au début, les œuvres qu'il avait déjà composées : c'est d'abord le roman d'Erec et Enide, puis la traduction des Conian- demeni Ovide et de Y Art d'amors, puis le Mors de Tespauk^ puis le poème Del roi Marc et d'Iseut la blonde, enfin la Muance de la hupe et de Varonde et del rossignol. L'ordre dans lequel ces ouvrages sont énumérés n'a aucune importance : il a été simplement sug- géré au poète par la commodité qu'il offrait à ses rimes. Il ne faut retenir qu'une chose, c'est que tous ces ouvrages sont anté- rieurs à Cligès, tandis que les trois romans de Lancelot, d'Yvain et de Perceval, qui n'y sont pas mentionnés, sont postérieurs (voir plus loin). Nous savons d'autre part que Perceval est le dernier, et qu' Yvain est postérieur à Lancelot. Ainsi nous avons la succession des quatre derniers poèmes de Chrétien : Cligès, Lancelot, Yvain, Perceval. Si nous pouvons trouver une date à l'un quelconque de ses ouvrages, dont nous possédons six et dont nous ne connaissons quatre (ou trois) que par la mention de Cligès, nous en tirerons des conséquences vraisemblables pour la date de ceux qui l'ont précédé ou suivi. C'est ce que nous allons essayer de faire, en fondant cette recherche avec l'esquisse de la biographie du poète, inséparable de l'étude de ses œuvres et presque uniquement appuyée sur elles.

Chrétien était né, suivant toute probabilité, dans la capitale de la Champagne, dont il prit, selon l'usage, le nom comme surnom quand il l'eut quittée. Dans Pbilomeiia, le plus ancien probablement des ouvrages de lui qui nous sont parvenus ', il se nomme Crestiien le Gois (en rime avec bois) '■ ; c'était sans doute le surnom qu'il portait dans sa jeunesse, quand il habitait encore

��1. M. Fôrster conserve encore des doutes sur l'attribution de ce petit poème à Chrétien : je crois qu'ils disparaîtront quand l'édition qu'en prépare M. L. Sudre sera publiée. L'auteur de YOi'ide moralisé a pu travailler sur un manuscrit médiocre ; mais il a certainement reproduit le poème de Chrétien tel qu'il le trouvait [cf. éd. De Boer, p. cvii].

2. Voir le passage dans V Histoire littéraire de la France, t. XXIX, p. 490 [éd. De Boer, v. 734].

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