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LA LEGENDE DE PEPIN LE « BREF » I99

place. Cet être surnaturel, dans toutes les versions occidentales de la légende, est un ange ', et Jean de Condé, qui a rimé au xiv^ siècle une de ces versions, l'appelle à plusieurs reprises « le roi ange » ^ C'est lui qu'il fliut reconnaître dans le « roi ange » du Pépin et Charleinagiie de Venise, dans « l'ange » de la tradi- tion française. Mais dans quel rapport cet ange est-il avec Pépin ? On ne peut supposer qu'il fût son père, sa mère étant la femme du sénéchal de Girbert; mais on peut croire que l'ange, en rendant son trône à Girbert repentant, lui désignait le jeune fils du sénéchal comme devant être son successeur. C'est ce qui pouvait justifier, pour la famille issue de Pépin, la désigna- tion de « geste de Pépin et de l'ange ». Toutefois il reste encore sur ce point quelque obscurité ; ce qui est seulement clair, c'est que l'histoire de la dépossession temporaire du roi orgueilleux s'était très anciennement attachée à un prétendu roi de France appelé Girbert, dont on faisait en même temps le dernier des descendants de Floovent et le prédécesseur de Pépin.

Dans la tradition française la plus répandue, le père de Pépin était déjà roi, et le changement de dynastie s'étaft opéré en faveur de son père ou d'un de ses aïeux ^. Mais ce changement n'avait pas été accepté sans protestation au moins d'un côté, et les rois des Saisnes, descendants d'une fille de Floovent, se

��1. Voyez H. Varnliagen, Ein indisches Màrcheii auf sciiter Wanderuiig (Berlin, 1882), p. 23 [cf. ci-dessous, p. 323, n. i].

2. Le DU du Magnificat (Scheler, Dits et contes de Baudouin et Jean de Condé, t. II, p. 355 et ss.), V. 175 -.Et li rois angles gouvrenoit Son roianme et cou rois régnait ; de même v. 297, 338.

3. Dans le Fioravante, où tout ce récit est fort altéré, Gisberto, devenu lépreux, confie son royaume à Rizieri et se retire au désert pour faire péni- tence; le souvenir de la forme primitive n'est resté que dans le nom d'Agnoîo .

4. Je mentionnerai ici la singulière invention de l'auteur du poème alle- mand Rother, qui écrivait en Bavière vers le milieu du xiie siècle. D'après lui. Pépin est le fils du roi Rother et de la fille de l'empereur de Constantinople ; son père, l'ayant armé chevalier, se retire du monde et le fait couronner à sa place (pour les références, voy. Golther, Geschichte der deutschen Lilteratur, p. loi). Pour le récit encore plus aventureux du poème allemand de la Bonne Dame, vov. Hist.poèt. de Charleniagne, p. 226.

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