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ANSEIS DE CARTHAGE IJl

geance \ Il est évident que ce motif a été importé d'Espagne^, où nous savons qu'il circulait dans la tradition populaire au moins dès le commencement du xii' siècle '. En France, il ne pouvait fournir la matière d'un poème en langue vulgaire qu'en changeant de cadre et de date et en s'intercalant dans le cycle carolingien : il devait naturellement être présenté comme un épisode de la longue lutte entre Sarrasins et chrétiens pour la possession de l'Espagne. Il aurait pu, et c'était ce qui semblait le plus indiqué, servir d'introduction à l'histoire de ces luttes, en expliquant le fait de l'occupation de l'Espagne par les infidèles ; mais le poète qui lui donna la forme d'une chanson de geste n'eut pas cette idée : il en fit au contraire la conclusion des grandes guerres d'Espagne de Charlemagne. Le roi qui joua le rôle du Rodrigue espagnol fut un Français, mis par Charles sur le trône du pays conquis entièrement par lui après Ron- cevaux^.

��1 . Je m'attache pour l'histoire espagnole au récit de Rodrigue de Tolède (suivi dans la Cronica gênerai); les autres, surtout les récits arabes, s'éloignent plus du récit français.

2. Ou peut-être de Portugal ; on sait les relations étroites qui unirent long- temps avec la France ce pays reconquis sur les Musulmans par Henri de Bourgogne. Le nom de Coniiubres (Coimbra), ville du personnage qui joue le principal rôle, semble indiquer cette origine (ce nom figure déjà, comme on sait, au v. 198 de la Chanson de Roland, dans le ms. d'Oxford, sous la forme fautive Cominibles ; mais il faut sans doute lire Morinde : Romania, XI, 489).

3. Le moine de Silos, qui est de cette époque, est le plus ancien historien chrétien qui le mentionne, mais les historiens arabes le connaissent dés ie ixe siècle.

4. D'autres poèmes s'étaient préoccupés des destinées de l'Espagne affran- chie des Sarrasins, point sur lequel la Chanson de Roland est muette dans toutes ses versions. D'après Fierahras, Gui de Bourgogne en est fait roi par Charles de moitié avec Fierabras, à la suite, il est vrai, d'une tout autre expédition. Gui de Bourgogne devient également roi d'Espagne dans la chanson qui porte son nom (bien qu'elle se termine en annonçant le combat de Roncevaux où Gui ne figure pas). Ce même Gui de Bourgogne joue un rôle important dans notre chanson et semble presque partager avec Anseïs la possession de l'Espagne ; il est clair qu'une tradition qui ne s'est conservée que par de vagues réminiscences mettait le nom de ce héros, inconnu à la

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