Page:Mélanges de littérature française du moyen âge.djvu/151

Cette page n’a pas encore été corrigée

des actes du jeune Beton, quand il est à la cour du roi de Babylone, trahit son origine, et, à mainte reprise, l’émir sarrasin s’écrie, émerveillé : « Il n’est pas possible que cet enfant soit fils d’un jongleur! » jusqu’au jour où l’événement vient justifier ses soupçons. C’est ainsi que l’auteur a su exalter le personnage du jongleur tout en le maintenant dans son rôle. Quel exemple plus encourageant pouvait-il proposer à la libéralité des seigneurs devant lesquels il récitait Daniel et Beton ? »

L’homme qui recommandait si habilement à la bienveillance des grands le caractère d’un jongleur était sûrement, M. Meyer le dit aussi, jongleur lui-même. Il est donc intéressant de recueillir dans son poème les traits par lesquels il peint son héros, et qui sont évidemment conformes à la réalité. On a souvent voulu distinguer entre les trouveurs et les jongleurs, ceux-ci étant bien inférieurs à ceux-là; parmi les jongleurs eux-mêmes, on a mis à part ceux qui chantaient des chansons de geste ou autres, ceux qui jouaient des instruments, ceux qui faisaient simplement des tours de force ou de souplesse. Ces distinctions sont quelquefois fondées, et dans le Midi notamment il est sûr que des seigneurs, qui étaient poètes, avaient à leurs gages des jongleurs qui exécutaient leurs œuvres. Mais nous voyons Daurel, et derrière lui, naturellement, l’auteur du poème, réunir tous ces divers talents en lui seul. Dès le début il se présente au duc Bovon en jouant du violon (v. 79), et souvent par la suite il manie cet instrument (85, 169, 1074, 11 80, 1209), ainsi que la harpe (84, 1074, 1208); il chante des lais d’amour (1180), des chansons de geste (1943) ; mais il sait lui-même trouver (85), et il le prouve en composant sur la trahison de Gui, le meurtrier de son seigneur, une chanson épique qu’il vient chanter lui-même à la table du traître, provoquant ainsi le tumulte qui se termine par la mort de Gui (v. 1943)- Béton, élevé par Daurel à la fois dans son art et dans la profession plus noble de chevalier, sait également :

. . . gen violar,
Tocar citola e ricamen arpar,
E cansos dire, de se mezis trobar (v. 1419-1421) ’.

I. Cf. encore les vers 1473, 1498, 1505, 1576.