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DAURFJ. ET BETOX 139

leurs dialectes respectifs n'offraient pas encore de grandes diffé- rences, il s'était formé un vers rythmique qui, avec un nombre variable de syllabes, avait pour trait caractéristique d'être uni à un autre vers ou à plusieurs autres vers par l'homophonie de la dernière voyelle tonique. Dans les deux régions enfin, on avait employé de préférence pour le récit épique, chanté avec accompagnement musical, les vers de dix syllabes, réunis par l'assonance ou la rime en groupes qui d'abord sans doute avaient été égaux (strophes de trois, quatre, cinq vers), mais qui de bonne heure s'affranchirent de cette règle '. De ce dernier fait, qui suppose les autres, nous avons pour le Midi une preuve à peu près certaine dans le précieux fragment provençal sur Boèce, composé avant la fin du x'^ siècle : ce poème, malgré son sujet moral, est écrit dans la forme des chansons de geste, en courtes laisses décasyllabiques monorimes ; il emprunte au style épique plusieurs de ses formules, et leur identité avec celles des poèmes français montre combien la production épique différait peu au Nord et au Sud ; l'expression m emperador, qu'il applique à Théodoric, ne peut provenir, comme Diez l'a remarqué il y a longtemps, que de l'épopée carolingienne, et montre par conséquent que cette épopée florissait dans le pays du poète. Une autre preuve analogue, bien que moins ancienne, nous est fournie par le poème sur Alexandre le Grand, com- posé dans un dialecte nettement méridional, au commencement du XII"- siècle, et dont nous n'avons malheureusement que les cent cinq premiers vers : ce poème est en courtes lais'ies mono- rimes de vers non plus décasyllabiques, mais octosyllabiques (comme la chanson du Roi Louis en français) - ; on y retrouve

��1 . Sur ce point les savants ne sont pas d'accord. L'hypothèse indiquée ci-dessus n'est pas regardée comme établie, ni même comme vraisemblable, par MM. Paul Mever {Alexandre le Grand, t. II, p. iio) et Pio Rajna ; M. Kristoffer Nyrop (Storia delV Epopea francese, p. 378), sans se prononcer expressément sur ce point, semble admettre que les laisses régulières ont précédé les autres. Voyez, sur cette question, Romania, t. XIII, p. 619-620 [c.-r. par G. P. de P. Rajna, Le Origini deW epopea francese']

2. Il faut signaler encore la Vie de Sainte Foi, du xiie siècle, dont Fauchet nous a seul conservé quelques vers, et qui, écrite sans doute dans l'Agenais.

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