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dans le corps du poème '. Il est donc probable que l'cvuvre primitive était en vers décasyllabiques. Le traducteur norvégien a-t-il eu sous les yeux cette forme première ou déjà le remanie- ment en alexandrins ? Il est difficile de le dire, parce que ce tra- ducteur, tout en étant fidèle, abrège naturellement beaucoup; c'est cependant ce qui me paraît le plus vraisemblable. On admet- tra alors qu'un même manuscrit défectueux du poème original a servi, plus ou moins directement, à l'abbé Robert pour sa tra- duction et à un jongleur français pour son remaniement. Pour- quoi celui-ci s'est il donné la peine de changer les décasyllabes de l'original en alexandrins? Nous ne saurions le dire, car, à l'époque où il travaillait, le décasyllabe était encore fort en honneur; il y a là sans doute l'influence de quelque mode passagère.

Prenons enfin le poème tel qu'il résulte de la comparaison de ces deux textes, et représentons-nous-le remis en vers décasyl- labiques assonants. Il nous raconte une histoire assez banale, et dont notre épopée ofî're plus d'une autre épreuve. Le jeune Elle, fils du comte de Saint-Gilles Julien, quitte son père pour aller à la cour du roi Louis. Il rencontre les Sarrasins, qui ve- naient d'infliger une défiiite aux troupes royales \ les combat héroïquement, mais est fait prisonnier et amené dans la ville lointaine et fiibuleuse de Sorbrie. Il s'échappe, mais, ramené par le hasard sous les murs de la ville, il est attaqué, grièvement blessé, et n'est sauvé que grâce à la nuit, qui le dérobe à ses enne- mis. Au matin, la fille du roi de Sorbrie, Rosamonde, qui a entendu parler des exploits du jeune homme et s'en est éprise, le trouve dans son verger, le recueille et le guérit, puis elle le présente

��1. Quelques-uns de ces vers isolés semblent même présenter la coupe 6/4, comme dans Jioiiî ; mais je pense avec M. Raynaud (p. xii) que ce sont simplement des alexandrins auxquels il manque, par la faute du copiste, deux syllabes dans le second hémistiche.

2. La géographie est extraordinairement confuse : nous passons sans tran- sition de Saint-Gilles aux marches dWnjou et de Bretagne. Mais cela ne prouve pas que, comme le conjecture M. Ravnaud, notre Saint-Gilles doive être cherché en Anjou, et que les Sarrasins du poème aient primitivement été des Normands. S'il y a dans ce roman quelque souvenir historique, c'est bien plutôt celui des pirateries et des conquêtes arabes sur les côtes fran- çaises de la Méditerranée.

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