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sans vraisemblance que les éditeurs français ont cru trouver dans le siège et la prise en commun, par les Vénitiens et les Français, d'une ville infidèle, un souvenir des célèbres événements de 1204. Le manuscrit, qui est loin d'être l'original, est d'ailleurs de la première moitié du xiii'^ siècle.

La chanson d'Aioul n'a pas été en faveur seulement en France. Dès le commencement du xiii^ siècle, on la traduisait en néerlandais ; les fragments, au nombre de sept, malheureusement assez courts, qui nous sont parvenus de cette version montrent qu'elle suivait un texte très voisin du nôtre '. C'est aussi une rédaction semblable, bien qu'un peu différente, probablement une mise en prose française, qui a servi de base à une double imitation italienne, l'une en prose (par Andréa da Barberino), l'autre en vers. Enfin les deux premières romances espagnoles sur Montesinos sont empruntées à notre roman, peut-être à travers la même rédaction en prose % qui malheureusement n'a pas été retrouvée.

Il y aurait sur les détails de ce poème, si l'espace le permettait, bien des observations curieuses à présenter  : aucun n'est plus riche en traits intéressants pour les idées, les mœurs, les sentiments du milieu où il a été composé ; mais je m'y suis déjà arrêté plus longuement que je n'en avais l'intention : il est temps de passer à un autre.

II

La chanson d'Elie de Saint-Gilles se rattache à celle d'Aioul

1. Un savant Néerlandais, M. Verdam, a donné dans le volume de M. Fôrster une fort bonne édition de ces fragments.

2. Voyez Raynaud et Normand, p. li-lix ; Fôrster, p. xx-xxii.

3. Citons seulement un fait assez notable. Aioul, dans une mêlée, frappe sans le savoir le roi Louis, pour qui il combat. Pour excuser son erreur, le poète remarque :

Guida as chieres armes qu'il fust des lor ; Encor n'i connoist lance ne gonfanon.

Le roi ne portait donc pas d'armoiries sur son écu ; c'étaient les « gonfanons » des lances qui pouvaient servir de signes de reconnaissance