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��L EPOPEE

��la première époque que ne le feraient soupçonner les échantillons qui nous en restent. Non seulement c'est celle du Girard de Roiissillon bourguignon, mais, ce qui est plus frappant, c'est celle qu'a adoptée l'auteur d'Aiidigier, petit poème burlesque qui parodie fort grossièrement le style et les récits de l'épopée sérieuse. Audigier est antérieur à la partie la plus ancienne de notre poème, qui le cite', et remonte au moins au milieu du XII siècle. Or il est clair qu'une parodie n'atteint son but que si elle reproduit la forme de ce qu'elle veut ridiculiser, et le rythme en question, pour avoir été imité dans Audigier, devait être fort employé dans les chansons épiques alors populaires. Aioid est le dernier poème qui en ait fait usage % et, avec Girard, le seul qui nous l'ait conservé. Ce rythme, dont l'allure saccadée ne se prêterait pas à tous les eifets, a de réels mérites. Le dernier membre du vers, qui contient l'assonance, n'a que quatre syl- labes, et comme il est nettement séparé du premier membre par le sens, le poète est obligé de s'ingénier pour constituer et munir d'assonance ce membre final, qui n'a presque jamais la banalité où tombent souvent ceux de six syllabes. Le style tout entier est plus pressé, plus concis, plus original.

Donnons au moins un exemple qui permette d'apprécier le rythme et le caractère de ce vers : nous le prenons dans la partie la plus intéressante du poème, celle où le jeune Aioul, arrivant inconnu, sur un cheval mal en point, avec des armes rouillées et une vieille lance enfumée, dans Orléans où le roi Louis est assiégé par le duc de Berri, se voit en butte aux railleries de tous et n'y répond que par la patience et la douceur, se sou- venant des sages conseils de son père :

Par mi lieu d'une rue son est tornez. Cent chevalier Tesguardent juevne et barbe,

��1 . Ce n'est sans doute pas le texte même qui nous est parvenu, texte qui est rimé, et qui en outre fait de Raimberge la mère d'Audigier (que notre poème appelle Audengier), tandis que dans Aioul elle est sa femme ; mais il est sûr que le poème burlesque cité par Aioul était dans la même forme que le renouvellement que nous avons.

2. On ne la trouve plus que dans un passage du Siiiiit Nicolas de Jehan Bodel et dans quelques pièces lyriques.

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