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lOO LITTERATURE FRANÇAISE AU MOYEN AGE

qu'Arthur, après quatre autres rois d'Angleterre, a conquis la France, et qu'il a vaincu Frolle, roi de Paris. Cela, André le prend à Gaufrei de Monmouth ou à son traducteur Wace, mais il l'accommode à sa façon : il fait du combat d'Arthur et de Frolle, rivaux dignes l'un de l'autre dans sa source, un tableau grotesque, où le roi français est tout le temps aussi ridicule que lâche. On remarque dans cette facétie un procédé que le moyen âge emplo3'ait souvent sérieusement, et dont Rabelais a fait le même usage plaisant que notre auteur : Frolle, quand on lui demande s'il veut enfin se lever, répond aol,(f- et de personne d'autre que lui les Français n'ont pris leur aol » (c'est une forme plus archaïque que oïl et qui n'est guère attestée que là) ' ; il reste couché pendant qu'on Vappareille, « et c'est pour cela que les Français ont la coutume de se faire chausser dans leur lit ». — Avant de partir pour le combat, qui a lieu dans 1' « île de Paris », Frolle, prévoyant qu'il n'en reviendra pas, donne aux Français des « commandements » qu'il leur fait jurer de tenir toujours : « Qu'il n'y en ait pas un de vous, dit-il, qui craigne Dieu et qui tienne sa parole ; soyez cruels et sans toi ; gardez jalousement votre avoir, prenez tant que vous pourrez de celui d'autrui ; soyez bons joueurs de dés, bons blasphémateurs de Dieu ; dans les cours d'autrui grands hâbleurs, petits faiseurs et grands vanteurs ; empruntez et ne rendez pas; haïssez ceux qui vous font du bien ; bref, vivez comme des chiens. » Et les Français, assure maître André, ont fidèlement observé ce testa- ment.

Il ajoute encore quelques coups de pinceau au tableau en parlant des Français ses contemporains. Il leur reproche de se rengorger d'autant plus qu'ils sont plus honnis, d'être introu- vables quand on a besoin d'eux, de blâmer tout ce qu'ils voient à l'étranger.... Mais ce dont il s'égaie surtout, c'est la chicheté de leurs repas. Il fait de ces repas une description burlesque dont j'essaierai de vous reproduire au moins quelques traits :

Qiiaiid le Français veut tenir cour et donner une vraie tète, il fait venir du pain de seigle ; on en distribue une part équitable à chacun ; on sépare la

��I. Vov. sur cette forme Roiiidiiia, t. XXIII, p. 167 [G. Paris, Le pronom neutre de la j'^persoiuie en français].

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