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RIENZI.

La reine regarda, sans rien dire, mais visiblement contrariée, la belle Mariana aux yeux noirs, qui répondit à ce coup d’œil par un regard également expressif ; alors celle-ci, s’avançant brusquement vers Adrien, lui dit :

« Mais, seigneur, si je tenais ma promesse, si je réussissais à te rassurer sur la santé de… d’Irène ?

— Irène ! répéta Adrien surpris, oubliant d’abord qu’il avait révélé lui-même le nom de celle qu’il cherchait, Irène ! Irène di Gabrini, sœur de ce Rienzi autrefois si célèbre ?

— La même, répliqua vivement Mariana ; je l’ai connue, comme je vous l’ai dit. Non, seigneur, je ne vous trompe point. Il est vrai que je ne puis vous mener vers elle, mais ce qui vaut mieux, elle est partie depuis bien des jours vers une des villes de Lombardie que la peste n’a pas encore envahie, dit-on. Maintenant, noble sire, votre cœur n’est-il pas soulagé ? Allez-vous sitôt quitter en déserteur la cour de beauté, et peut-être, ajouta-t-elle avec un doux regard de ses grands yeux noirs, la cour d’amour ?

— Dois-je en effet vous croire, belle dame ? dit Adrien transporté de bonheur, mais doutant encore à demi.

— Voudrais-je tromper un amant véritable comme vous me semblez être ? Soyez assuré que je dis vrai. Allons, reine, recevez votre nouveau sujet.

La reine tendit la main à Adrien et le mena vers le groupe qui se tenait sur l’herbe non loin de là. On l’accueillit comme un frère, et bientôt on lui pardonna sa politesse distraite en l’honneur de sa bonne mine et de son illustre nom.

La reine frappa des mains, et la compagnie revint se ranger sur la pelouse, chaque dame ayant à côté d’elle un cavalier. « Vous, Mariana, si vous n’êtes point fatiguée, dit la reine, vous prendrez le luth et réduirez au silence ces bruyantes cigales, qui glapissent autour de nous avec autant de prétention que si c’étaient des rossi-