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RIENZI.

dit l’auteur coniemporain de sa biographie, s’il avait seulement pu dire quelques mots, il les aurait fait tous changer d’avis et le coup était manqué.

Les soldats des barons s’étaient déjà mêlés à la foule ; des armes plus meurtrières que les pierres secondaient la fureur des masses ; l’air était obscurci de dards et de flèches ; quand on entendit une voix hurler : « Faites place aux torches ! » Alors on vit briller, malgré les feux éclatants du soleil, des torches ballottées dans la foule, se balançant çà et là au-dessus des têtes de la multitude, comme autant de démons lâchés au travers de la populace ! Et quel repaire de l’enfer vomit jamais des démons semblables à ceux que déchaîne une populace en délire ? On empila à la hâte de la paille, du bois, des litières, autour des grandes portes du Capitole, et la fumée tourbillonna soudain dans les airs, repoussant l’élan précipité des assaillants.

On ne vit plus Rienzi : une flèche lui avait percé la main, cette main droite qui soutenait la bannière de Rome, cette main droite qui avait signé la constitution de la république. Il se déroba à cet assaut en se retirant dans la salle déserte.

Là il s’assit, et versa des larmes ; ce n’étaient pas des larmes de femme, des larmes défaillantes ; c’étaient des larmes inspirées par une émotion sublime, de ces larmes que peut verser un guerrier qui se voit abandonné par ses propres soldats, un patriote qui voit ses concitoyens se précipiter à leur perte ; un père qui voit ses enfants se révolter contre son amour ; voilà les larmes qui coulèrent de ses yeux et soulagèrent són cour, mais en donnant un autre cours à ses sentiments.

« Assez, assez ! dit-il bientôt, en se levant et dédaignant sa faiblesse. J’ai assez risqué, brave, travaillé pour cette race lâche et dégénérée. Je veux maintenant les punir de leur méchanceté, je renonce à un dessein dont ils sont si