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RIENZI.

à l’arsenal, et l’autre contenait la prison de Brettone, le frère de Montréal. Derrière cette tour était la prison générale du Capitole, car alors la prison et le palais formaient un terrible voisinage !

Les croisées de la salle étaient encore ouvertes, et Rienzi y passa du balcon où il était descendu. Tout y attestait encore le banquet de la veille ; le vin qui rougissait le plancher n’était pas encore sec, et des coupes d’or et d’argent brillaient sur les buffets. Il alla droit à l’arsenal, et choisit, entre ces diverses armures, celle qu’il avait portée lui-même, huit ans auparavant, quand il avait chassé les barons des portes de Rome. Il revêtit sa cotte de mailles, ne laissant que sa tête à découvert ; puis, détachant de la muraille le grand gonfanon de Rome, qu’il saisit de sa main droite, il reprit le chemin de la grande salle. Il ne rencontra pas un homme : dans cet immense édifice, excepté les prisonniers et la fidèle Nina, dont il ignorait la présence, le sénateur était seul.

Cependant les mutins avançaient, non plus dans un ordre régulier, à pas mesurés, mais à flots pressés, comme un torrent qui déborde ; les ruelles, les allées, les palais, les cabanes, vomissaient le flot en fureur qui se grossissait à chaque instant. Ils s’avançaient plus courroucés en se voyant plus nombreux, hommes et femmes, enfants cruels et vieillards envieux, dans tout l’appareil terrible de la force physique et de la colère brutale déchaînées sans frein et sans résistance. « Mort au traître ! Mort au tyren ! Mort à celui qui a taxé le peuple ! Mora il traditore che ha fatta la gabella ! Mora ! » Tel était le cri du peuple, tel était le crime du sénateur ! Ils renversèrent les basses palissades du Capitole ; un choc impétueux suffit pour leur livrer ce vaste espace, tout à l’heure si désolé, maintenant envahi par une fourmilière de créatures humaines altérées de sang !

Tout à coup il se fit un silence de mort ; en haut sur le