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RIENZI.

— C’est juste, Irène, Rome et moi nous sommes unis et nous allons nous élever ou tomber ensemble. Pas un mot de plus.

— Vous voulez donc nous perdre tous ! s’écria Adrien, avec une généreuse et impatiente ardeur. Encore quelques minutes, et rien ne peut nous sauver. Imprudent ! Ce n’est pas pour succomber à la fureur d’une populace que vous avez été préservé de tant de périls.

— Je le crois ! dit le sénateur, tandis que sa haute stature semblait se développer avec la grandeur de son âme. Je triompherai encore ! Jamais on n’entendra mes ennemis, jamais on n’entendra la postérité dire que Rienzi abandonna Rome une seconde fois ! Écoutez ! Viva il popolo ! toujours ce cri : Vive le peuple ! qui ne peut effrayer que les tyrans ! Je vais triompher et survivre.

— Et moi avec toi, dit Nina avec fermeté. »

Rienzi s’arrêta un instant, contempla sa femme, la serra passionnément sur son cœur, la couvrit de baisers et reprit : « Nina, je te l’ordonne. Va-t’en !

— Jamais ! »

Il se tut. Ses yeux rencontrèrent la figure d’Irène, baignée de larmes.

« Nous voulons périr avec toi, disait sa sœur, vous seul, Adrien, vous devez nous quitter !

— Comme il vous plaira, dit tristement le chevalier, nous allons tous rester ; et il ne fit plus aucune insistance. »

Il y eut un moment court mais mortel de silence désespéré interrompu seulement par les sanglots convulsifs d’Irène. Le trépignement terrible de la multitude irritée retentissait distinctement. Rienzi paraissait perdu dans ses réflexions ; alors, levant la tête, il dit d’un ton calme : « Vous l’emportez ; je vous rejoins, je veux seulement sauver quelques papiers et je vous suis. Vite, Adrien, sauvez —les, » et il lui montra Nina.