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RIENZI.

traiter tous les périls de Rome en vrai Romain. Rienzi se rappelait qu’il n’avait jamais placé sa confiance que chez des traîtres, et que son pardon n’avait jamais servi qu’à aiguiser le fer de ses ennemis. Il était au milieu d’un peuple féroce, d’amis incertains, d’ennemis rusés, et une grâce mal placée ne devait être qu’une prime d’encouragement donnée aux conspirateurs. Néanmoins la lutte qu’il soutenait contre ses dispositions naturelles se faisait voir dans les émotions nerveuses qui se trahissaient en lui. Tantôt c’étaient des larmes amères, tantôt un rire insensé. Ne pourrai-je donc plus me payer le luxe d’un pardon ? disait-il. Les grossiers témoins de ces transports n’y voulaient voir, les uns que de la folie, les autres que de l’hypocrisie. Quoi qu’il en soit, cette exécution produisit un moment l’effet qu’il en avait attendu. Toute sédition cessa, la terreur se glissa dans la cité, l’ordre et la paix montèrent à la surface, mais au-dessous, selon l’expression énergique d’un auteur contemporain : Lo mormorito quetamente suonava.

En examinant avec impartialité la conduite de Rienzi, à cette terrible période de sa vie, on ne peut y reprendre une seule faute au point de vue politique. Guéri de ses défauts, il n’étalait plus une pompe inutile. il ne s’abandonnait point aux démonstrations d’un orgueil poussé jusqu’au délire, à l’égarement d’une imagination splendide, qui avait entraîné le tribun à la poursuite des spectacles pompeux, mais dont il ne faut point accuser sa vanité. Aujourd’hui ce goût insensé était calmé, assoupi par le souvenir austère de ses cruelles vicissitudes, et il avait fait place à la tranquillité froide d’un esprit mûri par les années, Frugal, prévoyant, vigilant, recueilli en lui-même, jamais on n’avait vu un homme aussi extraordinaire, déclare un témoin exemptde partialité[1]. Toutes ses pensées se

  1. Vita di Cola di Rienzi, liv. II, chap. 23.