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RIENZI.

d’espion était bien de ceux qui pouvaient ne pas plaire à tous les caractères, mais il ne répugnait point à la délicatesse du fier Angelo Villani ; et l’animosité effroyable qui avait souvent éclaté dans les paroles de son maître, en parlant du brigand avide et barbare, fléau de sa patrie, avait inspiré un ressentiment pareil à ce jeune enthousiaste qui avait beaucoup du patriotisme arrogant et faux des Romains. Plus vindicatif encore que reconnaissant, il gardait aussi une secrète rancune aux frères de Montréal, dont les manières un peu rudes avaient souvent blessé sa fierté ; et par-dessus tout, ses premières réminiscences de la crainte et de l’exécration que semblait toujours inspirer à Ursule le terrible Fra Moreale, lui suggéraient la vague croyance que le Provençal avait commis sans doute autrefois, envers sa famille ou envers lui-même, quelque méfait dont il aurait, dans l’occasion, plaisir à se venger. Le fait est que les paroles d’Ursule, toutes mystérieuses et obscures qu’elles étaient dans leur forme, avaient laissé dans l’âme impétueuse du jeune Villani un inexplicable sentiment d’antipathie et de haine pour l’homme qu’il avait aujourd’hui mission de trahir. D’ailleurs tout moyen lui paraissait bienséant et justifiable, du moment qu’il s’agissait de sauver son maître, de servir son pays et de faire son chemin.

Montréal était seul dans sa chambre quand on lui annonça qu’un jeune Italien sollicitait une audience. Naturellement d’un accès facile, il fit aussitôt introduire l’étranger.

Le chevalier de Saint-Jean reconnut au premier coup d’œil le page qu’il avait rencontré à Avignon, et quand Angelo Villani lui dit avec aisance et hardiment : « Je suis venu pour rappeler à sire Waller de Montréal une promesse… »

Le chevalier l’interrompit avec une franche cordialité :