Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 2, 1865.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
RIENZI.

foi et hommage, répliqua Rienzi lentement : pour l’ennemi déclaré, j’ai mon épée ; pour un traître, sachez-le bien, Rome a la hache du bourreau : du premier je n’ai nulle crainte ; pour le second, pas de merci.

— Ce n’est pas ainsi qu’il faut se parler entre amis, dit Brettone pâlissant, et cherchant à cacher son émotion.

— Amis ! vous êtes mes amis, alors ? Eh bien, donnez-moi la main ; si vous êtes mes amis, vous allez le prouver. Cher Arimbaldo, tu es, comme moi, un homme d’études, un soldat lettré. Te rappelles-tu dans l’histoire romaine que le trésor se trouva une fois dépourvu d’argent pour les soldats ? Le consul réunit les nobles. « C’est vous, leur dit-il, vous qui avez les emplois et les dignités, qui devriez être les premiers à en payer le prix. » Vous m’entendez, mes amis ; les nobles profitèrent de l’avis, ils se procurèrent l’argent, l’armée fut payée. Cet exemple ne sera pas perdu pour vous. J’ai fait de vous les chefs de mes troupes, Rome vous a prodigué ses honneurs. Votre générosité donnera l’exemple de ce dévouement que les Romains apprendront ainsi des étrangers. Vous me regardez, mes amis ! Je lis dans vos nobles cours, et je vous remercie d’avance. Vous avez le rang et l’emploi ; vous avez aussi la richesse, payez les mercenaires, payez-les ! »

La foudre fût tombée aux pieds de Brettone qu’il n’eût pas été plus abasourdi que par cette déclaration inattendue de Rienzi. Il leva les yeux sur la figure du sénateur, et il y trouva ce sourire qu’il avait déjà, tout intrépide qu’il était, appris à redouter. Il se sentit au fond du piége qu’il avait creusé pour un autre. Sur le front du sénateur il y avait quelque chose qui lui disait qu’un refus serait pris pour une déclaration de guerre ouverte, et il n’était pas temps de rompre encore.

« Vous consentez ? dit Rienzi, vous faites bien. »