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RIENZI.

ces méchants, et leurs places fortes ne seront plus que ruines et désolation.

— Je voudrais, monseigneur, dit Villani, que nos Allemands eussent pour chefs d’autres hommes que ces Provençaux.

— Pourquoi ? demanda brusquement Rienzi.

— Ces créatures du capitaine de la Grande Compagnie ont-elles jamais tenu parole à ceux que l’avariee ou l’ambition de Montréal peut avoir intérêt à tromper ? N’était il pas, il y aquelques mois, le bras droitde Jean de Vico, et n’a-t-il pas vendu ses services à l’ennemi de Jean de Vico, au cardinal Albornoz ? Ces guerriers-là trafiquent des hommes comme des marchands de bestiaux.

— Tu connais bien Montréal : c’est un homme dangereux et redoutable. Mais il me semble que ses frères ne sont pas de même calibre ; ils n’ont ni la finesse, ni l’audace dans le crime du brigand qui couduit la bande. Néanmoins, Angelo, tu as touché là une corde dont le son discordant bannit ce soir le sommeil de mes yeux. Va, beau jouvenceau, tes yeux ont besoin de se fermer, retire-toi, et quand tu entendras des gens envier le sort de Rienzi, pense que…

— Que Dieu n’a pas créé le génie pour être un sujet d’envie ! interrompit Angelo avec une énergie qui l’emportait sur son respect habituel ; n’envions pas le soleil, mais plutôt les vallées qui mûrissent sous ses rayons !

— En vérité, si je suis le soleil, dit Rienzi avec un sourire amer et mélancolique, je soupire après la nuit, et la nuit viendra pour le pèlerin de cette terre comme pour le pèlerin céleste ! Dieu merci, notre ambition n’a pas le pouvoir de nous rendre immortels ! »