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RIENZI.

santes, un sommeil agité, une cuirasse secrète, voilà pour l’un et l’autre quelles étaient les douceurs du pouvoir !

Le tribun n’avait plus l’élasticité de la jeunesse ! Son corps, qui avait enduré tant de secousses, avait contracté une maladie douloureuse dans le cachot d’Avignon, sa grande âme le soutenait toujours ; mais ses nerfs s’affaiblissaient. Les larmes lui venaient aux yeux très-facilement, et souvent, comme chez Cromwell, on accusa ces larmes d’hypocrisie, quand c’était réellement l’effet hystérique produit par une émotion excessive et irritable. Dans toute la période antérieure de sa vie il avait montré une extrême sobriété ; maintenant pour se reposer de ses pensées accablantes, il donnait le change à ses soucis par l’excitation de l’ivresse. Il buvait sans mesure, non pas que les effets en fussent très-apparents, mais son humeur devenue plus inconstante et plus capricieuse passait d’une gaieté désordonnée à de brusques dépits dont le retour imprévu s’était déjà fait remarquer dans sa jeunesse. Seulement sa gaieté était maintenant plus bruyante, et son sarcasme plus amer.

Tel était le caractère de Rienzi, quand il revint au pouvoir et chaque jour en faisait ressortir davantage les inconvénients. Il aimait encore avec la même tendresse Nina, qui l’adorait plus que jamais s’il est possible ; mais, à présent qu’ils ne goûtaient plus avec la même ivresse la fraîcheur de l’ambition triomphante, leurs relations n’avaient plus le charme d’autrefois. Jadis ils causaient constamment de l’avenir, des beaux jours qui leur étaient réservés. Maintenant c’était avec une angoisse pénible que Rienzi fuyait toute pensée de ce « joyeux lendemain. » Ou plutôt, il n’y avait plus, pour lui, de joyeux lendemain !

Au milieu des épines et des tourments de l’heure présente, tout lui apparaissait sous un aspect plus décourageant et plus alarmant encore. Il avait bien de ces heures,