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RIENZI.


Rienzi, nos Allemands saisissent le Capitole, et les soldats dispersés en ce moment, d’un bout à l’autre de l’Italie, voleront à la bannière du grand capitaine. Montréal sera d’abord podestat, puis roi de Rome. »

Arimbaldo s’agita avec inquiétude sur son siége, les frères ne causèrent plus de leurs projets.

La position de Rienzi était précisément la plus propre à aigrir et à endurcir le naturel le plus généreux. Avec une intelligence capable des plus grands desseins, un cœur animé des sentiments les plus magnanimes, élevé au faîte brillant du pouvoir, entouré d’adulateurs infatigables, il ne voyait pas un cœur dans lequel il pût placer sa confiance. Il était comme un homme qui gravit un roc escarpé et qui sent la terre crouler sous ses pas, en même temps que chaque branche qu’il saisit semble se pourrir sous sa main. Il trouvait le peuple plus éloquent que jamais en sa faveur, mais tandis qu’on poussait des cris d’enthousiasme sur son passage, pas un homme n’était capable de se sacrifier pour lui ! La liberté d’un état n’est jamais l’œuvre d’un individu isolé : il faut que le peuple entier, ou du moins le plus grand nombre, ou bien encore une minorité zélée et fervente, s’attache à lui, sans lâcher prise. Rome demandait des sacrifices à tous ceux qui voulaient qu’elle fût régénérée, sacrifices de temps, sacrifices de repos, sacrifices d’argent. Les masses suivaient le cortége du sénateur, mais pas un seul Romain ne se donnait à lui gratis : pas une pièce de monnaie n’était perdue en souscriptions pour la défense de la liberté. Contre lui étaient entrés en campagne les plus puissants et les plus farouches barons de l’Italie ; chacun d’eux pouvait entretenir à ses frais une petite armée de soldats exercés. Avec lui il n’y avait que des commerçants et des artisans, qui voulaient bien récolter les fruits de la liberté, mais sans se donner la peine de labourer le sol. Pour prix de leurs vaines acclamations, ils deman-