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RIENZI.

L’attitude et l’accent du sénateur donnaient à son langage un caractère si élevé que même l’esprit modéré d’Adrien fut comme subjugué par des enchantements magiques. Il baisa la main qu’il tenait et dit d’un ton pénétré :

« Voilà un arrêt auquel je m’honorerai de pouvoir souscrire, une carrière que je me ferai gloire d’aplanir pour ma part. Si je réussis dans ma présente mission…

— Vous serez mon frère, dit Rienzi.

— Mais si j’échoue !

— Vous aurez toujours droit à cette alliance. Vous vous taisez, vous pâlissez.

— Puis-je abandonner ma maison ?

— Jeune seigneur, dit Rienzi avec majesté, demandez-vous plutôt si vous pouvez abandonner votre patrie. Si vous doutez de ma loyauté, si vous redoutez mon ambition, renoncez à votre tâche, ne me ravissez point un seul ennemi. Mais si vous me croyez la volonté et le pouvoir de servir l’État, si vous reconnaissez, jusque dans les revers et les calamités dont j’ai connu l’épreuve et dont j’ai triomphé, la main protectrice du Sauveur des nations, si ces revers n’ont été que les bienfaits de celui qui châtie, nécessaires, peut-être, pour corriger ma première audace et retremper les ressorts de mon intelligence, si en un mot vous voyez en moi, en dépit de mes fautes, un homme que Dieu ait conservé pour le salut de Rome, oubliez que vous êtes Colonna, rappelez-vous seulement que vous êtes Romain !

— Vous m’avez conquis, esprit étrange, irrésistible ! dit à voix basse Adrien complétement entraîné, et quelle que soit la conduite de mes parents, je vous appartiens tout entier à vous et à Rome. Adieu !