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RIENZI.

tremblante, mais dont l’accent révélait une joie éloquente. Tu ne m’as donc pas abandonnée volontairement ? J’ai été assez injuste pour méconnaître ton noble caractère, pour penser que la chute de mon frère, mon humble lignage, ta brillante fortune t’avaient fait renoncer à Irène.

— Bien injuste en effet ! répartit l’amant, mais je suis sûr de t’avoir vue parmi les morts ! Et ton manteau avec les étoiles d’argent, quelle autre personne pouvait porter ainsi les armes du tribun romain ?

— C’était donc ce manteau, tombé par mégarde dans les rues, et ramassé sans doute par quelque victime malheureuse, c’était ce manteau dont la vue a causé ton désespoir ? Ah ! Adrien, continua Irène avec tendresse, mais d’un ton de reproche. Eh bien ! moi, qui t’avais vu privé de vie en apparence, sur la couche auprès de laquelle j’avais veillé trois jours et trois nuits, même alors, moi je n’ai point désespéré…

— Eh quoi ! mon rêve ne m’a pas trompé ! Dans cette heure cruelle c’était vous qui veilliez près de mon lit, vous dont l’amour me gardait, dont les soins me sauvèrent ! Et moi, malheureux que j’étais !…

— Non, non, répondit Irène, ne vous reprochez pas une erreur si naturelle. Le ciel a semblé me donner une force surhumaine tant que je vous fus nécessaire. Mais jugez de ma consternation. Je vous avais laissé pour aller chercher le bon moine qui vous servait de médecin ; à mon retour je ne vous ai plus trouvé. J’avais la mort dans l’âme ; dans ma terreur, j’ai parcouru en vain la ville désolée. J’avais eu assez de force tant que l’espérance me soutenait, mais je succombai à la crainte. Et mon frère m’a trouvé gisante sur le sol, inanimée, auprès de l’église de Saint-Marc.

L’église de Saint-Marc ! comme l’annonçait mon rêve !