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RIENZI.

il avait devant lui ce qu’il fallait pour écrire, et son visage rayonnait d’un sourire de triomphe.

« La fortune fait pleuvoir sur moi de nouvelles faveurs, dit-il gaiement. Hier les Florentins m’épargnaient les tracas d’un siége ; et aujourd’hui (depuis que je vous ai vu, tout à l’heure), aujourd’hui, le sort met en mon pouvoir votre nouveau sénateur de Rome.

— Quoi ! vos coureurs ont donc arrêté Rienzi ?

— Non pas ! mieux que cela. Le tribun a changé son plan et s’est porté à Pérouse, où mes frères logent en ce moment ; il s’est mis en rapport avec eux ; ils lui ont fourni assez d’argent et de soldats pour braver les périls de la route et défier les armes des barons. C’est ce que m’écrit mon bon frère Arimbaldo, un homme lettré, que le tribun se flatte d’avoir endormi par ses vieux contes de la grandeur romaine et de la généreuse promesse de reconnaître ses services par de l’avancement. Vous me voyez en train d’envoyer mon agrément pour ratifier cet engagement. Mes frères eux-mêmes accompagneront le tribun sénateur jusqu’aux murs du Capitole,

— Je ne vois toujours pas que cela mette Rienzi en votre pouvoir.

— Non ? Ses soldats sont mes créatures, il a pour compagnons mes frères, il a pour créancier Montréal ! Il peut gouverner Rome ; le temps viendra bientôt où le vice-régent devra se retirer devant…

— Le chef de la Grande Compagnie, interrompit Adrien, avec un frisson que l’audacieux Montréal ne remarqua même pas ; il était trop dominé par son émotion. Non, chevalier de Provence, nous nous sommes honteusement courbés sous des tyrans domestiques ; mais jamais, je l’espère bien, jamais les Romains ne se dégraderont au point de subir le joug d’un usurpateur étranger.

Montréal regarda fixement Adrien avec un sourire amer.