Page:Lytton - Rienzi, le dernier des tribuns de Rome, tome 2, 1865.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
219
RIENZI.

Méduse ; au lieu de pétrifier nos cœurs, il les amollit plutôt. Il n’y a qu’un moment c’était la lumière du soleil qui dorait les ondes : maintenant c’est l’eau qui brille à son tour et elle n’a rien perdu de son charme à la clarté des étoiles. Ainsi roule le torrent des années ; le flambeau qui nous guide n’est plus le même, mais il est également bien venu, également lumineux, également prompt à s’évanouir !… Vous voyez que sous ma cotte de mailles la poésie de Provence n’est pas morte encore.

Adrien se coucha de bonne heure ; mais ses pensées et les échos de la bruyante gaieté qui s’échappait de la tente de Montréal (car le général régalait les capitaines de sa bande, et il avait eu la délicatesse de faire grâce de ce festin au noble romain), tinrent Colonna longtemps éveillé et il était à peine tombé dans un sommeil inquiet, lorsque des sons encore plus discordants vinrent troubler son repos. À la première aurore, ce vaste camp était sur pied ; le craquement des cordages, le bruit des pas, les commandements prononcés à haute voix, les jurons plus bruyants encore, le roulement confus des bagages, le retentissement des armures annonçaient la levée du camp et le prochain départ de la Grande Compagnie.

Avant qu’Adrien fût habillé, Montréal entra dans sa tente.

« J’ai commandé, lui dit-il, un officier de confiance avec cent lances pour vous accompagner, noble Adrien, jusqu’aux confins de la Romagne ; ils attendront votre bon plaisir. Je pars dans une heure ; l’avant-garde est déjà en mouvement. »

Adrien aurait bien voulu refuser l’escorte qui lui était proposée, mais il craignit de blesser la fierté du capitaine qui se retira bientôt. Il revêtit donc son armure à la hâte ; l’air frais du matin et le soleil joyeux, se levant des collines dans toute sa splendeur, ranimèrent sés sens abattus. Il se dirigea vers la tente de Montréal et le trouva seul ;