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RIENZI.

— Vous avez donc conservé votre ancienne affection pour les mélodies nationales ? dit Adrien.

— Oui, je n’ai pas encore survécu à toute ma jeunesse ; répondit Montréal avec un léger soupir. Mais de façon ou d’autre, les accents qui jadis plaisaient à mon imagination, aujourd’hui vont trop directement à mon cœur. Aussi tout en faisant, comme toujours, bon accueil aux jongleurs et aux ménestrels, je leur fais chanter leurs inspirations plus modernes. Je ne puis pas toujours me donner le plaisir d’entendre la poésie que j’entendais quand j’étais jeune !

— Pardonnez-moi, dit Adrien avec beaucoup d’intérêt, mais je regrette de n’avoir pas osé, car une secrète appréhension m’en a empêché jusqu’ici, vous demander des nouvelles de cette aimable dame avec laquelle, il y a sept ans, nous contemplions, au clair de la lune, les bosquets d’orangers parfumés et les ondes purpurines de Terracine.

Montréal détourna la tête ; il mit la main sur le bras d’Adrien, et murmura d’une voix sourde et rauque : « Je suis seul maintenant ! »

Adrien lui serra la main en silence. Il éprouvait une véritable affliction en apprenant la mort d’une personne si douce, si gracieuse, et si infortunée.

« Les vœux de ma chevalerie, continua Montréal, qui excluaient Adeline des droits du mariage, le scandale jeté sur sa maison, la colère et la douleur de sa mère, les vicissitudes désordonnées de mon existence, exposée à tant de périls, la perte de son fils, tout minait en silence ses forces et sa beauté. Elle n’est pas morte (morte est un mot trop cruel) mais elle s’en est allée languissante, en glissant au ciel. Comme, par une matinée d’été, quelque doux rêve flotte auprès de nous, devenant de plus en plus vaporeux, jusqu’à ce qu’il disparaisse et se fonde avec la lumière tandis que nous nous éveillons,