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RIENZI.

se lever pour la cause du peuple sans qu’il devînt l’apostat de son ordre et le juge de sa maison. Il avait voyagé dans différentes cours et servi avec gloire sur bien des champs de bataille. Il s’était fait aimer et honorer en quelque lieu qu’il fixât son séjour passager, mais tous ces changements de théâtre n’avait pu dissiper sa mélancolie ; ni ses liaisons nouvelles, le souvenir de celle qu’il avait perdue. Dans cette ère de roman passionné et poétique que Pétrarque représente, mais qu’il n’a pas créée, l’amour avait déjà commencé à revêtir un caractère plus tendre et plus saint qu’il n’en avait connu jusque là ; peu à peu il s’était pénétré de l’esprit divin qu’il tire du christianisme, et qui associe ses douleurs sur la terre aux visions et aux espérances du ciel. Pour qui compte sur l’immortalité de l’âme, il est facile d’être fidèle aux morts, parce que la mort ne peut éteindre l’espérance ; et l’âme de la personne qui regrette est déjà à moitié dans le monde à venir. C’est dans les siècles qui désespèrent de la vie future, en faisant de la mort une séparation éternelle, que les hommes, un instant affligés par le regret des morts, s’empressent de se réconcilier avec la vie en s’attachant aux vivants. Car il n’est que trop vrai, que l’amour n’existe point sans espérance. Or tout ce culte romanesque que l’Ermite de Vaucluse sentit ou feignit de sentir pour Laure, trouvait un temple dans le cœur désolé d’Adrien Colonna. Il était la véritable image des amoureux de son époque. Souvent, dans ses pèlerinages de pays en pays, en passant devant les murailles de quelque couvent tranquille et isolé, il méditait sérieusement sur ces veux solennels ; souvent, il prenait en lui-même la résolution d’abriter plus tard son âge mûr sous le toit d’un monastère. Plusieurs années d’absence cependant, avaient ravivé chez lui l’amour de la patrie, et il eut le désir de visiter encore une fois la cité où pour la première fois il avait vu Irène. Peut-être, pen-