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RIENZI.

majesté. Elle se leva à son entrée, et lorsqu’il approcha d’elle, elle s’agenouilla à demi, portant la main du cardinal à ses lèvres. Surpris et ravi d’un accueil si nouveau, il se hâta de prévenir cet acte de condescendance ; il lui retint les deux mains ; il essaya de les attirer doucement sur son cœur.

« Belle des belles ! murmura-t-il, si tu pouvais savoir combien j’ai déploré ta maladie ! Et pourtant elle n’a fait que te laisser plus aimable, de même que la pluie d’orage ne sert qu’à raviver les couleurs de la fleur. Ah ! que je suis heureux si j’ai exaucé le moindre de tes vœux, et si je puis désormais chercher à la fois dans tes yeux l’ange qui sera mon guide et le paradis qui sera ma récompense ! »

Nina, retirant sa main, l’agita doucement et fit signe au cardinal de prendre un siége. S’asseyant à quelque distance, elle prit alors la parole du ton le plus grave et les yeux baissés :

« Monseigneur, c’est votre intercession, jointe à sa propre innocence, qui a fait sortir de cette tour le gouverneur élu jadis par le peuple de Rome. Mais la liberté est le moindre des nobles présents qu’il vous doit ; vous avez fait plus : vous lui avez rendu un nom sans tache et des honneurs légitimes. Par là vous m’avez imposé une dette que je n’oublierai jamais ; par là vous avez mérité, si j’ai des enfants, que je leur apprenne à bénir votre nom, et que l’historien qui écrira les faits de ce siècle et les destinées de Cola de Rienzi, ajoute un nouveau fleuron à vos couronnes. Seigneur cardinal, peut-être ai-je eu tort : peut-être vous aurai-je offensé, peut-être m’accuserez-vous d’avoir eu recours avec vous à l’artifice. Ne dites rien, ne vous étonnez pas, écoutez-moi jusqu’au bout. Je n’ai qu’une seule excuse à alléguer, pour avoir cru d’avance que je pouvais employer tous les moyens, sauf le déshonneur, pour sauver la vie et relever la fortune de