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RIENZI.

ment général de ses compatriotes contre Rienzi, il comprenait bien que c’était une époque importante dans l’histoire du monde, que celle où un ménestrel parlait ainsi des héros de l’intelligence, et non des héros de la guerre.

Dans ce moment là le grand soldat reçut dans le dos une tape assez brusque.

« Dites donc, mon grand monsieur, disait une voix perçante et impérieuse, retirez donc un peu de côté, je vous prie, cet énorme buste qui me gêne ; je ne puis voir à travers votre épaisseur, et je voudrais bien n’être pas le dernier à voir Rienzi lorsqu’il sortira de la cour.

— Beau page, répliqua le soldat, d’un ton jovial, en faisant place à Angelo Villani, tu ne trouveras pas toujours qu’on fasse son chemin en ce monde en commandant à ceux qui sont plus forts que soi. Quand tu auras de la barbe au menton, tu sauras qu’on peut braver les faibles, mais qu’il faut cajoler les puissants.

— Il faudra que je change de caractère, alors, » repartit Angelo, assez petit de taille, car il n’avait pas encore pris toute sa croissance ; et en même temps il se dressait tant qu’il pouvait au-dessus des têtes de la multitude.

Le soldat lui lança un regard approbateur, et, en le regardant il soupira : ses lèvres trahissaient une émotion étrange.

« Tu parles bien, dit-il après un moment de silence, mais pardonne-moi cette question indiscrète : es-tu d’Italie ? Ta langue a la saveur du dialecte romain ; pourtant j’ai vu des traits comme les tiens de ce côté-ci des Alpes.

— C’est possible, brave homme, dit fièrement le page, mais grâce au ciel je suis de Rome. »

En ce moment une bruyante acclamation éclata du côté où la foule était le plus près de la cour. Une nouvelle fanfare réduisit la multitude à un profond silence que n’interrompait pas le moindre souffle, tandis que les gardes